Assis sur une catastrophe : Pourquoi la surveillance en ligne n'est plus facultative
Lors d'une récente visite chez un client industriel en Europe, j'ai été frappé par la conversation avec son équipe d'approvisionnement et d'exploitation. Répartis sur 400 sites, plus de 800 transformateurs de puissance, chacun d'une puissance supérieure à 50 MVA, la majorité d'entre eux étant toujours en service après plus de 70 ans sans aucune surveillance appropriée. Oui, vous avez bien entendu, 70 ans.
J'ai fait une pause, réfléchissant à ce que cela signifiait vraiment. Ces actifs ont déjà dépassé leur durée de vie prévue, et pourtant ils restent l'épine dorsale des opérations. Le client, quant à lui, ignorait parfaitement à quel point il était exposé. Les délais d'approvisionnement pour les gros transformateurs s'étendent aujourd'hui de 80 à 200 semaines, parfois plus. Le remplacement d'une seule unité après une panne se mesure en années, et non en mois.
Ce qui me préoccupe le plus, c'est la lenteur avec laquelle ils adoptent la surveillance en ligne de l'état des équipements. Sans visibilité en temps réel, la probabilité d'une défaillance non détectée augmente, la gravité des pertes potentielles s'accroît et l'incertitude rend les assureurs et les parties prenantes nerveux. En d'autres termes, ils sont assis sur une catastrophe, qu'ils s'en rendent compte ou non.
Un modèle à travers le monde
Il ne s'agit pas d'une histoire isolée. Lorsque je voyage en Europe, en Asie et en Amérique du Nord, je constate que des situations similaires se répètent. Les services publics et les grandes entreprises industrielles continuent de s'appuyer sur des flottes qui ont servi fidèlement pendant des décennies. Ils sont fiers de la longévité de leurs équipements et disent souvent : "Ils fonctionnent bien depuis 40, 50, voire 70 ans". Mais la fierté peut facilement se transformer en complaisance.
La réalité donne à réfléchir. Chaque année supplémentaire sans surveillance ajoute un risque. Ce n'est pas seulement la probabilité d'une défaillance qui augmente, c'est aussi le coût financier et de réputation lorsqu'elle se produit. Les pannes d'électricité, les incendies, les dommages collatéraux aux équipements, les pertes de production et les contrôles réglementaires peuvent tous résulter d'une seule défaillance.
Penser comme un assureur
Au fil des ans, mon point de vue a changé. Je ne considère plus la surveillance en ligne comme un simple choix d'ingénierie, mais plutôt comme une question de risque et d'assurance.
Un assureur se soucie de trois choses : la probabilité, la gravité et l'incertitude. Les contrôles hors ligne, un test d'huile semestriel ou une inspection annuelle à l'infrarouge réduisent l'incertitude mais laissent de longs angles morts. La surveillance en ligne transforme ce tableau. Un transformateur doté d'une analyse continue des gaz dissous, d'une surveillance des bagues et de modèles thermiques n'est plus un risque opaque, c'est un risque transparent avec des preuves à l'appui.
En termes d'assurance, cela signifie une probabilité plus faible de défaillance catastrophique, une gravité plus faible de la perte lorsque les incidents sont détectés rapidement, et une réduction spectaculaire de l'incertitude. C'est pourquoi des secteurs comme l'aviation ou la logistique des flottes bénéficient déjà de réductions de primes pour la surveillance en temps réel. Les compagnies d'électricité et l'industrie lourde ne devraient pas déroger à la règle.
Plus que des économies d'exploitation et de maintenance
L'économie est convaincante. Pour un transformateur de 10 millions de dollars, les assureurs pourraient raisonnablement reconnaître une réduction de 15 à 25 % des primes si un programme de surveillance crédible est en place. Pour ceux qui s'auto-assurent, le gain est encore plus clair : réduction des exigences en matière de réserves et retour sur investissement plus rapide.
Nous savons, grâce aux références du DOE et de l'EPRI, que la maintenance prédictive peut réduire les pannes non planifiées jusqu'à 70 %. Il ne s'agit pas seulement d'une réduction des pannes, mais aussi d'une efficacité du capital. À une époque où les délais de livraison des grands transformateurs se mesurent en années, éviter ne serait-ce qu'une seule panne catastrophique vaut des dizaines de millions.
Les leçons du terrain
À Duke Energy, un défaut de douille détecté par la surveillance en ligne a permis d'éviter un incendie de transformateur qui aurait causé des dégâts considérables. Chez Southern California Edison, une analyse de rentabilité a été réalisée autour de la surveillance de près de 300 unités à haute tension, ce qui a permis de réaliser des gains opérationnels et financiers. Et à Sacramento, SMUD a négocié une baisse de 10 points de pourcentage de ses primes d'assurance contre les incendies de forêt, non pas en raison d'une surveillance spécifique, mais parce qu'elle a pu documenter une atténuation proactive des risques. Le message est clair : les assureurs et les régulateurs réagissent aux preuves.
Depuis des décennies, Qualitrol, dans cet espace, fournit discrètement des systèmes de surveillance qui ont permis d'éviter d'innombrables défaillances. La technologie est éprouvée. Le défi, c'est l'état d'esprit.
Un appel à l'action
J'ai passé ma carrière dans la protection des actifs, le contrôle, l'automatisation et la surveillance. J'ai eu le privilège de voir ce secteur sous de multiples angles. Mon message aux entreprises de services publics et aux industriels est simple : les relais de protection protègent le réseau, l'automatisation assure le contrôle, mais la surveillance en ligne protège l'actif lui-même.
Traiter cela comme une option n'est plus viable. Les enjeux sont trop importants, les actifs trop vieux, les chaînes d'approvisionnement trop tendues et le climat trop imprévisible. Ceux qui numérisent les flottes, documentent les pertes évitées et apportent ces preuves aux assureurs et aux régulateurs ne se contenteront pas d'éviter les catastrophes, ils débloqueront de nouveaux capitaux, amélioreront la résilience et renforceront la confiance de leurs parties prenantes.
La surveillance de l'état en ligne n'est plus un gadget. C'est une assurance que vous contrôlez.